Tous les cinéphiles connaissent les différences entre un nanar et un navet. Le nanar, c'est souvent un film avec des mauvais raccords, des dialogues médiocres, un scénario invraisemblable, des acteurs pas terribles, quelques filles souvent en petites tenues sans motif particulier, un humour involontaire (ou pas), un hélicoptère (souvent qui va s'écraser), une journaliste qui enquête (ah si, vous remarquerez...), des effets pas du tout spéciaux, des maquillages pour enfants de 7 ans un soir d'Halloween, des monstres pas crédibles, etc... mais on peut s'amuser à le revoir avec des amis car au final, le vrai nanar est divertissant et peut même devenir ce que l'on appel un plaisir coupable.
Le navet en revanche n'a aucun charme. C'est perdre deux heures de votre vie et de l'argent si vous êtes allé le voir au ciné. Le navet, on a pas envie de le revoir, on s'y ennuie tellement. Il peut avoir de beaux atours, beaucoup d'ambition et trouve même parfois des gens très sérieux (un peu comme souvent le sont les navets) pour le défendre, mais en réalité, le vrai navet ne peut pas se cacher.
Et dans notre monde du jeu de plateau, peut-on trouver des nanars, peut-on trouver des navets ? Mais évidemment ! Et je vais commencer avec ce qui pour moi est un navet : laissez-moi vous présenter Dogfight, un jeu de Martin Wallace.
Je commence fort et c'est pas facile pour moi, parce que ceux qui me connaissent savent le respect que j'ai pour les créations de celui que j'appelle le Maestro : Trente-six de ses jeux sont sur mes étagères quand même ! Seulement voilà, pour être soi-même, il faut apprendre à piétiner ses maîtres dit-on et là, je reconnais que Dogfight va me servir de paillasson.
Lorsque j'ai vu cette petite boite pour la première fois, j'ai repensé immédiatement à mes nombreuses parties de Ace of Aces jouées durant des nuits passées dans un poste de garde (oui, les joies du service militaire...), un très bon souvenir ludique cependant. Evidemment, avec Dogfight, j'ai été attiré par le thème, la signature de Martin Wallace mais aussi par les illustrations sur la boite et les cartes, très réussies (j'y reviendrai). Après, j'aurais dû me méfier du 8 ans et + pour un jeu sur ce thème, peut-être même aussi du prix, mais j'y avais pas prêté attention.
J'ouvre le livret – ou plutôt le dépliant - pour lire les règles et là, Fulubulubulu ! (ça, c'est l'enthousiasme qui se dégonfle). Chaque joueur dispose de 20 cartes, Avions Forces Alliés pour l'un, Avions Forces des Etats Centraux pour l'autre. Chaque avion a 5 caractéristiques (vitesse, maniabilité, puissance de feu, portée et altitude). A son tour de jeu, le joueur qui a l'initiative choisit une carte Point victoire qui désigne une caractéristique puis, (accrochez vous bien, la manœuvre est complexe), chaque joueur sélectionne une carte de sa main, la place face cachée puis la retourne (Wahou ! Suspense...) Pour remporter la cartes PV, il faut présenter un appareil ayant la valeur de la caractéristique concernée supérieure à l'avion adverse. En cas d'égalité, on sélectionne un nouvel appareil, enfin, une nouvelle carte quoi... oui, comme à la Bataille de votre enfance. Dés qu'un joueur à 8 points, la partie est terminée. Voilà, je viens de vous résumer les règles. Il y a quelques subtilités avec les cartes point victoire car en plus, elles donnent des avantages pour le reste de la partie au joueur qui les gagne, mais l'essentiel est là.
Et c'est bien cela le vrai problème : Si ce mécanisme s'inscrivait dans un ensemble avec d'autres phases de jeu un peu plus intéressantes, stratégiques, genre construction d'un deck par exemple avec des avions plus performants ou bien alors la mise en avant des qualités des pilotes (il y a d'ailleurs des noms de pilotes sur les cartes avec leur nombres de victoires, mais ça ne joue aucun rôle), ou encore des changements de conditions climatiques pour influencer le résultat, un peu de tactique aérienne, bref, si il y avait de la variété, quelque chose à élaborer, on pourrait peut-être accepter la grande simplification des affrontements...
... mais non, c'est le cœur de Dogfight, on ne fait que cela ! je sélectionne une carte en fonction de la caractéristique en jeu, je la retourne et puis on regarde qui a la plus grosse... valeur. On joue à la Bataille un peu améliorée et c'est assez pénible après quelques tours. Et en plus, dans le déroulé, ça ne marche pas toujours bien. Donc, nous avons bien là un navet, car l'idée d'y retourner après une deux parties (pour être certain de ne pas avoir raté quelque chose) ne vous viendra même pas à l'esprit.
Malgré mon insondable déception, je conserve le jeu parce que j'ai l'idée de faire un panneau avec ces jolies cartes, les avions alliés d'un coté, les avions des Etats Centraux de l'autres, le tout se faisant face (cela plairait à G. Guynemer, cité dans le jeu sur la carte du Spad VII). C'est pourquoi je donne une note (trop ?) généreuse de 3 au jeu pour les illustrations, parce que sans cela, nous serions plus proche du 1,5.